La France a aussi une histoire à Tioman. Au fils du temps, il y eu un large assortiment de visiteurs, mais rien n’est comparable à cette histoire. C’est celle de Marie David de Mayrena, Comte de Ray.

Hugh Clifford (auteur d’Héros en Exile – 1928), mais aussi André Malraux (dans La Condition de l’Homme) ont été captivés par les aventures du Comte de Ray. Clifford résidait dans l’état de Pahang en Malaisie, lors de ces évènements.

Notre héro de la guerre Franco–Prusse est est né le 31 janvier 1842 à Toulon ; il a l’ego exacerbé et un charisme dominateur. A la fin des années 1880, il séduit les peuplades et obtient l’allégeance de certaines tribus. Il déclare pour satisfaire ses sujets qu’il est dévoué à Allah, et en fait grande publicité. Il était convaincu que Paris voulait sa tête et que l’ordre de son exécution était en attente à Saigon. La république française ne souhaite pas, à ce moment-là, augmenter sa présence dans la région et voit d’un œil agacé les exhibitions de M.D. de Mayrena. Il a encore de la fortune en Europe mais pense le voyage dangereux. Il obtient un soutien financier auprès d’un gentleman de Hong Kong qui trouve sa décadence particulièrement romantique. Rapidement, il se fait appeler Marie le Premier, répudie la France et demande de l’aide à l’Allemagne en échange de l’allégeance de son royaume ! Notre soit disant martyr envoie son message de Hong Kong. Le message transite via la station française de Cochinchine et est intercepté.

La France reste imperturbable, mais notre héro est retrouvé en Europe, en prison en Belgique, pour escroquerie. Une courte peine. A sa sortie, Marie David de Mayrena repris ses habitudes royales et se fit connaître et respecter dans la société anglaise. Malheureusement, un scandale mondain ternit sa majesté qui s’enfuit, suivie de lourdes dettes, à Singapour.

Après plusieurs autres péripéties, il découvrit Tioman et ses plages idylliques. Il s’installa sur la côte Est de l’île, prêt du village de Juara. Il impressionnait les locaux et conserva son titre de Roi. Un villageois, rencontré alors par Clifford, disait :

« Cet homme qui s’installe parmi nous est étrange. Il a l’apparence d’un blanc ; il n’a pas les cheveux blancs non plus, mais il a les manières de ceux qui ont des cheveux blancs. Il a les cheveux comme les nôtres. Ses yeux aussi sont noirs comme les nôtres. En plus, il n’est pas anglais et pourtant quand les servantes lui demandent s’il est le fils d’un homme ‘Peranchis’ (français), ses yeux tournent au rouge et il crache sur le sol… Les servantes disent qu’il n’est pas d’une bonne espèce d’homme blanc et qu’il a beaucoup de noir en lui, rejetant sa nation et les siens… Et en plus, il ne croit pas en dieu, à Muhammadan. »

Lorsque le sultan appris ces tourments, il en informa un résident anglais, lui ordonnant d’aller visiter ce Roi et de lui intimer les règles locales.

Ce résident portait le nom de Fortescue. Il ne fut pas intimidé par notre Roi et porta sa mission à bien. De Mayrena fut même impressionné par son visiteur et promis de s’assagir. Il n’avait apparemment pas le choix. Il resta ami avec Monsieur Fortescue. Même sur cette île retirée, les ennuies poursuivent le comte. Il a laissé de lourde dette derrière lui, et ses créanciers retrouvent sa trace. Il y aura de difficiles tractations avec la Belgique, à Singapour, mais il devra payer toutes ses dettes, le ruinant pour le coup. Il avait encore des fonds à Singapour mais il avait peur pour sa vie. Il envoya quelqu’un chercher sa fortune. Le mystérieux Prime Minister B. collecta l’argent à la banque, mais ne fut jamais revu, laissant notre aventurier mégalomane sur la paille.

Il resta à Tioman, et y mourra en 1890. Décès qui aujourd’hui encore reste un autre mystère. Certains disent qu’il est mort à Rompin, sur la péninsule, mordu par un serpent, d’autres disent à Tioman, mordu aussi par un reptile. Et certains pensent qu’il a été assassiné par des autochtones, ne supportant plus ce tirant au regard glacial et de surcroît infidèle. Sa royale dépouille n’a jamais été retrouvée, et il ne reste aucun signe de son passage mise à par deux choses. La première, est un animal étrange pour des locaux du moment, et le nomment ‘Anjing Pranchis’ – le Chien Français –. On croise, à l’état sauvage, les descendants de cette paire de chiens.

La seconde chose que Marie David de Mayrena a laissée à Tioman est des plantations de cocotiers et d’hévéas, dans l’arrière-village de Juara jusque haut dans la jungle. Il est probablement l’instigateur du remblaiement d’une partie des mangroves du Nord de la baie avec du sable, afin d’y cacher son navire et faire pousser les cocotiers. Elle est toujours entretenue par les actuels habitants et participe à une partie de l’économie locale.

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